Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/193

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raient, cette petite chambre, d’une propreté maniaque, avec sa commode de noyer et son lit monacal, garni de rideaux blancs. Sans doute, sur ce lit, où la servante avait dormi seule toute sa vie de femme, elle s’était jetée pour mordre son traversin et étouffer ses sanglots.

— Ah ! tant pis ! dit enfin Clotilde, dans l’égoïsme de sa joie, qu’elle boude !

Puis, saisissant Pascal entre ses mains fraîches, levant vers lui sa tête charmante, où brûlait encore tout une ardeur à se donner, à être sa chose :

— Tu ne sais pas, maître, c’est moi qui serai ta servante aujourd’hui.

Il la baisa sur les yeux, ému de gratitude ; et, tout de suite, elle commença par s’occuper du déjeuner, elle bouleversa la cuisine. Elle s’était drapée dans un immense tablier blanc, elle était délicieuse, les manches retroussées, montrant ses bras délicats, comme pour une besogne énorme. Justement, il y avait déjà là des côtelettes, qu’elle fit très bien cuire. Elle ajouta des œufs brouillés, elle réussit même des pommes de terre frites. Et ce fut un déjeuner exquis, vingt fois coupé par son zèle, par sa hâte à courir chercher du pain, de l’eau, une fourchette oubliée. S’il l’avait toléré, elle se serait mise à genoux, pour le servir. Ah ! être seuls, n’être plus qu’eux deux, dans cette grande maison tendre, et se sentir loin du monde, et avoir la liberté de rire et de s’aimer en paix !

Toute l’après-midi, ils s’attardèrent au ménage, balayèrent, firent le lit. Lui-même avait voulu l’aider. C’était un jeu, ils s’amusaient comme des enfants rieurs. Et, de loin en loin, cependant, ils revenaient frapper à la porte de Martine. Voyons, c’était fou, elle n’allait pas se laisser mourir de faim ! Avait-on jamais vu une mule pareille, quand personne ne lui avait rien fait ni rien dit ! Mais les coups résonnaient toujours dans le vide morne de la