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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/229

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était déserte, personne ne l’avait certainement vue ni entrer ni sortir. Il n’y avait toujours là que le loubet jaune, étalé, qui ne daigna même pas lever la tête. Et elle s’en alla, de son petit pas pressé, avec le léger balancement de sa taille de jeune fille. Cent pas plus loin, bien qu’elle s’en défendît, une irrésistible force la fit se retourner et regarder une dernière fois la maison, si calme et si gaie, à mi-côte, sous cette fin d’un beau jour. Dans le train seulement, lorsqu’elle voulut se ganter, elle s’aperçut qu’un de ses gants manquait. Mais elle avait la certitude qu’il était tombé sur le quai du chemin de fer, comme elle montait en wagon. Elle se croyait très calme, et elle resta pourtant une main gantée et une main nue, ce qui ne pouvait être, chez elle, que l’effet d’une forte perturbation.

Le lendemain, Pascal et Clotilde prirent le train de trois heures, pour se rendre aux Tulettes. La mère de Charles, la bourrelière, leur avait amené le petit, puisqu’ils voulaient bien se charger de le conduire à l’oncle, chez lequel il devait rester toute la semaine. De nouvelles disputes avaient troublé le ménage : le mari refusait, décidément, de tolérer davantage chez lui cet enfant d’un autre, ce fils de prince, fainéant et imbécile. Comme c’était la grand’mère Rougon qui l’habillait, il était en effet, ce jour-là, tout vêtu encore de velours noir, soutaché d’une ganse d’or, tel qu’un jeune seigneur, un page d’autrefois, allant à la cour. Et, pendant le quart d’heure que dura le voyage, dans le compartiment où ils étaient seuls, Clotilde s’amusa à lui enlever sa toque, pour lustrer ses admirables cheveux blonds, sa royale chevelure dont les boucles lui tombaient sur les épaules. Mais elle portait une bague, et lui ayant passé la main sur la nuque, elle resta saisie de voir que sa caresse laissait une trace sanglante. On ne pouvait le toucher, sans que la rosée rouge