Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/234

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s’échappant en une poussière de nuée par cette fenêtre, lorsque je l’ai ouverte, s’envolant en plein ciel, emplissant l’horizon… Mais c’est une mort admirable ! disparaître, ne rien laisser de soi, un petit tas de cendre et une pipe, à côté !

Et il ramassa la pipe, pour garder, ajouta-t-il, une relique de l’oncle ; tandis que Clotilde, qui avait cru sentir une pointe d’amère moquerie sous son accès d’admiration lyrique, disait encore, d’un frisson, son effroi et sa nausée.

Mais, sous la table, elle venait d’apercevoir quelque chose, un débris peut-être !

— Vois donc là, ce lambeau !

Il se baissa, il eut la surprise de ramasser un gant de femme, un gant vert.

— Eh ! cria-t-elle, c’est le gant de grand’mère, tu te souviens, le gant qui lui manquait hier soir.

Tous les deux s’étaient regardés, la même explication leur montait aux lèvres : Félicité, la veille, était certainement venue ; et une brusque conviction se faisait dans l’esprit du docteur, la certitude que sa mère avait vu l’oncle s’allumer, et qu’elle ne l’avait pas éteint. Cela résultait pour lui de plusieurs indices, l’état de refroidissement complet où il trouvait la pièce, le calcul qu’il faisait des heures nécessaires à la combustion. Il vit bien que la même pensée naissait au fond des yeux terrifiés de sa compagne. Mais, comme il semblait impossible de jamais savoir la vérité, il imagina tout haut l’histoire la plus simple.

— Sans doute, ta grand’mère sera entrée dire bonjour à l’oncle, en revenant de l’Asile, avant qu’il se mette à boire.

— Allons-nous-en ! allons-nous-en ! cria Clotilde. J’étouffe, je ne puis plus rester ici !