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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/233

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Clotilde, cependant, entra ; tandis que Charles restait dehors, intéressé par le hurlement continu du chien.

— Ah ! mon Dieu, quelle odeur ! dit-elle. Qu’y a-t-il ?

Et, lorsque Pascal lui eut expliqué l’extraordinaire catastrophe, elle frémit. Déjà, elle avait pris la bouteille pour l’examiner ; mais elle la reposa avec horreur, en la sentant humide et poissée de la chair de l’oncle. On ne pouvait rien toucher, les moindres choses étaient comme enduites de ce suint jaunâtre, qui collait aux mains.

Un frisson de dégoût épouvanté la souleva, elle pleura, en bégayant :

— La triste mort ! l’affreuse mort !

Pascal s’était remis de son premier saisissement, et il souriait presque.

— Affreuse, pourquoi ?… Il avait quatre-vingt-quatre ans, et il n’a pas souffert… Moi, je la trouve superbe, cette mort, pour ce vieux bandit d’oncle, qui a mené, mon Dieu ! on peut bien le dire à cette heure, une existence peu catholique… Tu te rappelles son dossier, il avait sur la conscience des choses vraiment terribles et malpropres, ce qui ne l’a pas empêché de se ranger plus tard, de vieillir au milieu de toutes les joies, en brave homme goguenard, récompensé des grandes vertus qu’il n’avait pas eues… Et le voilà qui meurt royalement, comme le prince des ivrognes, flambant de lui-même, se consumant dans le bûcher embrasé de son propre corps !

Émerveillé, le docteur élargissait la scène de son geste vague.

— Vois-tu cela ?… Être ivre au point de ne pas sentir qu’on brûle, s’allumer soi-même comme un feu de la Saint-Jean, se perdre en fumée, jusqu’au dernier os !… Hein ? vois-tu l’oncle parti pour l’espace, d’abord répandu aux quatre coins de cette pièce, dissous dans l’air et flottant, baignant tous les objets qui lui ont appartenu, puis