Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/24

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que, sous ses cheveux blancs, dans sa barbe blanche, son beau visage flambait de jeunesse, d’une immense tendresse blessée et exaspérée. Un instant encore, ils se contemplèrent de la sorte, sans se céder, les yeux sur les yeux.

— Toi ! toi ! répétait-il, de sa voix frémissante.

— Oui, moi !… Pourquoi donc, maître, ne t’aimerais-je pas autant que tu m’aimes ? et pourquoi, si je te crois en péril, ne tâcherais-je pas de te sauver ? Tu t’inquiètes bien de ce que je pense, tu veux bien me forcer à penser comme toi !

Jamais elle ne lui avait ainsi tenu tête.

— Mais tu es une petite fille, tu ne sais rien !

— Non, je suis une âme, et tu n’en sais pas plus que moi !

Il lui lâcha le bras, il eut un grand geste vague vers le ciel, et un extraordinaire silence tomba, plein des choses graves, de l’inutile discussion qu’il ne voulait pas engager. D’une rude poussée, il était allé ouvrir le volet de la fenêtre du milieu ; car le soleil baissait, la salle s’emplissait d’ombre. Puis, il revint.

Mais elle, dans un besoin d’air et de libre espace, était allée à cette fenêtre ouverte. L’ardente pluie de braise avait cessé, il n’y avait plus, tombant de haut, que le dernier frisson du ciel surchauffé et pâlissant ; et, de la terre brûlante encore, montaient des odeurs chaudes, avec la respiration soulagée du soir. Au bas de la terrasse, c’était d’abord la voie du chemin de fer, les premières dépendances de la gare, dont on apercevait les bâtiments ; puis, traversant la vaste plaine aride, une ligne d’arbres indiquait le cours de la Viorne, au delà duquel montaient les coteaux de Sainte-Marthe, des gradins de terres rougeâtres plantées d’oliviers, soutenues par des murs de pierres sèches, et que couronnaient des bois