Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ouverte, une maison de mort… ouverte, une maison de mort… Tout de suite, le monde m’a dit qu’il avait filé, qu’il ne laissait pas un sou, que c’était la ruine pour les familles.

Elle posa le reçu sur la table de pierre.

— Tenez ! le voilà, votre papier ! C’est fini, nous n’avons plus un sou, nous allons mourir de faim !

Les larmes la gagnaient, elle pleura à gros sanglots, dans la détresse de son cœur d’avare, éperdue de cette perte d’une fortune et tremblante devant la misère menaçante.

Clotilde était restée saisie, ne parlant pas, les yeux sur Pascal, qui semblait surtout incrédule, au premier moment. Il tâcha de calmer Martine. Voyons ! voyons ! il ne fallait pas se frapper ainsi. Si elle ne savait l’affaire que par les gens de la rue, elle ne rapportait peut-être bien que des commérages, exagérant tout. M. Grandguillot en fuite, M. Grandguillot voleur, cela éclatait comme une chose monstrueuse, impossible. Un homme d’une si grande honnêteté ! une maison aimée et respectée de tout Plassans, depuis plus d’un siècle ! L’argent était là, disait-on, plus solide qu’à la Banque de France.

— Réfléchissez, Martine, une catastrophe pareille ne se produirait pas en coup de foudre, il y aurait eu de mauvais bruits avant-coureurs… Que diable ! toute une vieille probité ne croule pas en une nuit.

Alors, elle eut un geste désespéré.

— Eh ! monsieur, c’est ce qui fait mon chagrin, parce que, voyez-vous, ça me rend un peu responsable… Moi, voilà des semaines que j’entends circuler des histoires… Vous autres, naturellement, vous n’entendez rien, vous ne savez pas si vous vivez…

Pascal et Clotilde eurent un sourire, car c’était bien vrai qu’ils s’aimaient hors du monde, si loin, si haut,