Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/261

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était de décider le docteur à reprendre sa clientèle. Elle finit par en parler à Clotilde, qui, tout de suite, lui montra les difficultés, l’impossibilité presque matérielle d’une pareille tentative. Justement, elle en avait causé avec Pascal, la veille encore. Lui aussi se préoccupait, songeait au travail, comme à l’unique chance de salut. L’idée de rouvrir un cabinet de consultation devait lui venir la première. Mais il était depuis si longtemps le médecin des pauvres ! Comment oser se faire payer, lorsqu’il y avait tant d’années déjà qu’il ne réclamait plus d’argent ? Puis, n’était-ce pas trop tard, à son âge, pour recommencer une carrière ? sans compter les histoires absurdes qui couraient sur lui, toute cette légende de génie à demi fêlé qu’on lui avait faite. Il ne retrouverait pas un client, ce serait une cruauté inutile que de le forcer à un essai, dont il reviendrait sûrement le cœur meurtri et les mains vides. Clotilde, au contraire, s’employait toute, pour l’en détourner ; et Martine comprit ces bonnes raisons, s’écria, elle aussi, qu’il fallait l’empêcher de courir le risque d’un si gros chagrin. D’ailleurs, en causant, une idée nouvelle lui était poussée, au souvenir d’un ancien registre découvert par elle dans une armoire, et sur lequel, autrefois, elle avait inscrit les visites du docteur. Beaucoup de gens n’avaient jamais payé, de sorte qu’une liste de ceux-ci occupait deux grandes pages du registre. Pourquoi donc, maintenant qu’on était malheureux, n’aurait-on pas exigé de ces gens les sommes qu’ils devaient ? On pouvait bien agir sans en parler à monsieur, qui avait toujours refusé de s’adresser à la justice. Et, cette fois, Clotilde lui donna raison. Ce fut tout un complot : elle-même releva les créances, prépara les notes, que la servante alla porter. Mais nulle part elle ne toucha un sou, on lui répondit de porte en porte qu’on examinerait, qu’on passerait chez le docteur. Dix jours s’écou-