Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/265

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Alors, de même que jadis, aux heures de félicité, le vieux roi David, ainsi que Pascal se nommait parfois en plaisantant, sortit au bras d’Abisaïg. Ni l’un ni l’autre n’étaient encore en haillons, lui avait toujours sa redingote correctement boutonnée, tandis qu’elle portait sa jolie robe de toile, à pois rouges ; mais le sentiment de leur misère sans doute les diminuait, leur faisait croire qu’ils n’étaient plus que deux pauvres, tenant peu de place, filant modestement le long des maisons. Les rues ensoleillées étaient presque vides. Quelques regards les gênèrent ; et ils ne hâtaient pas leur marche, tellement leur cœur se serrait.

Pascal voulut commencer par un ancien magistrat, qu’il avait soigné pour une affection des reins. Il entra, après avoir laissé Clotilde sur un banc du cours Sauvaire. Mais il fut très soulagé, lorsque le magistrat, prévenant sa demande, lui expliqua qu’il touchait ses rentes en octobre et qu’il le payerait alors. Chez une vieille dame, une septuagénaire, paralytique, ce fut autre chose : elle s’offensa qu’on lui eût envoyé sa note par une domestique qui n’avait pas été polie ; si bien qu’il s’empressa de lui présenter ses excuses, en lui donnant tout le temps qu’elle désirerait. Puis, il monta les trois étages d’un employé aux contributions, qu’il trouva souffrant encore, aussi pauvre que lui, à ce point qu’il n’osa même pas formuler sa demande. De là, défilèrent à la suite une mercière, la femme d’un avocat, un marchand d’huile, un boulanger, tous des gens à leur aise ; et tous l’évincèrent, les uns sous des prétextes, les autres en ne le recevant pas ; il y en eut même un qui affecta de ne pas comprendre. Restait la marquise de Valqueyras, l’unique représentante d’une très ancienne famille, fort riche et d’une avarice célèbre, veuve, avec une fillette de dix ans. Il l’avait gardée pour la dernière, car elle