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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/274

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Il était pris d’un grand tremblement, ses yeux se mouillaient, à la sentir sienne à ce point, et si adorable, et si précieuse.

— Tu fais de moi le maître le plus riche, le plus puissant, tu me combles de tous les biens, tu me verses la plus divine volupté qui puisse emplir le cœur d’un homme.

Et elle se donnait davantage, elle se donnait jusqu’au sang de ses veines.

— Prends-moi donc, maître, pour que je disparaisse et que je m’anéantisse en toi… Prends ma jeunesse, prends-la toute en un coup, dans un seul baiser, et bois-la toute d’un trait, épuise-la, qu’il en reste seulement un peu de miel à tes lèvres. Tu me rendras si heureuse, c’est moi encore qui te serai reconnaissante… Maître, prends mes lèvres puisqu’elles sont fraîches, prends mon haleine puisqu’elle est pure, prends mon cou puisqu’il est doux à la bouche qui le baise, prends mes mains, prends mes pieds, prends tout mon corps, puisqu’il est un bouton à peine ouvert, un satin délicat, un parfum dont tu te grises… Tu entends ! maître, que je sois un bouquet vivant, et que tu me respires ! que je sois un jeune fruit délicieux, et que tu me goûtes ! que je sois une caresse sans fin, et que tu te baignes en moi !… Je suis ta chose, la fleur qui a poussé à tes pieds pour te plaire, l’eau qui coule pour te rafraîchir, la sève qui bouillonne pour te rendre une jeunesse. Et je ne suis rien, maître, si je ne suis pas tienne !

Elle se donna, et il la prit. À ce moment, un reflet de lune l’éclairait, dans sa nudité souveraine. Elle apparut comme la beauté même de la femme, à son immortel printemps. Jamais il ne l’avait vue si jeune, si blanche, si divine. Et il la remerciait du cadeau de son corps, comme si elle lui eût donné tous les trésors de la terre.