Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/273

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se voyaient, comme à une clarté de rêve, infiniment éclatante et douce.

Alors, les bras nus, le cou nu, la gorge nue, elle acheva magnifiquement le festin qu’elle lui donnait, elle lui fit le royal cadeau de son corps. La nuit précédente, ils avaient eu leur premier frisson d’inquiétude, une épouvante d’instinct, à l’approche du malheur menaçant. Et, maintenant, le reste du monde semblait une fois encore oublié, c’était comme une nuit suprême de béatitude, que leur accordait la bonne nature, dans l’aveuglement de ce qui n’était pas leur passion.

Elle avait ouvert les bras, elle se livrait, se donnait toute.

— Maître ! maître ! j’ai voulu travailler pour toi, et j’ai appris que je suis une bonne à rien, incapable de gagner une bouchée du pain que tu manges. Je ne peux que t’aimer, me donner, être ton plaisir d’un moment… Et il me suffit d’être ton plaisir, maître ! Si tu savais comme je suis contente que tu me trouves belle, puisque cette beauté, je puis t’en faire le cadeau. Je n’ai qu’elle, et je suis si heureuse de te rendre heureux.

Il la tenait d’une étreinte ravie, il murmura :

— Oh ! oui, belle ! la plus belle et la plus désirée !… Tous ces pauvres bijoux dont je t’ai parée, l’or, les pierreries, ne valent pas le plus petit coin du satin de ta peau. Un de tes ongles, un de tes cheveux, sont des richesses inestimables. Je baiserai dévotement, un à un, les cils de tes paupières.

— Et, maître, écoute bien : ma joie est que tu sois âgé et que je sois jeune, parce que le cadeau de mon corps te ravit davantage. Tu serais jeune comme moi, le cadeau de mon corps te ferait moins de plaisir, et j’en aurais moins de bonheur… Ma jeunesse et ma beauté, je n’en suis fière que pour toi, je n’en triomphe que pour te les offrir.