Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/276

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XI


Mais, dès la nuit suivante, l’insomnie inquiète revint. Ni Pascal ni Clotilde ne se disaient leur peine ; et, dans les ténèbres de la chambre attristée, ils restaient des heures côte à côte, feignant de dormir, songeant tous les deux à la situation qui s’aggravait. Chacun oubliait sa propre détresse, tremblait pour l’autre. Il avait fallu recourir à la dette, Martine prenait à crédit le pain, le vin, un peu de viande, d’ailleurs pleine de honte, forcée de mentir et d’y mettre une grande prudence, car personne n’ignorait la ruine de la maison. L’idée était bien venue au docteur d’hypothéquer la Souleiade ; seulement, c’était la ressource suprême, il n’avait plus que cette propriété, évaluée à une vingtaine de mille francs, et dont il ne tirerait peut-être pas quinze mille, s’il la vendait ; après, commençait la misère noire, le pavé de la rue, pas même une pierre à soi pour appuyer sa tête. Aussi Clotilde le suppliait-elle d’attendre, de ne s’engager dans aucune affaire irrévocable, tant que les choses ne seraient pas désespérées.

Trois ou quatre jours se passèrent. On entrait en septembre, et le temps, malheureusement, se gâtait : il y eut des orages terribles qui ravagèrent la contrée, un mur de la Souleiade fut renversé, qu’on ne put remettre debout, tout un écroulement dont la brèche resta béante. Déjà, on devenait impoli chez le boulanger. Puis, un matin que