Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec eux, pour de l’argent !… Des bijoux que je t’avais donnés, des souvenirs de nos heures les plus divines, ton bien à toi, à toi seule, comment veux-tu donc que je le reprenne et que j’en profite ? Est-ce possible, as-tu songé à l’affreux chagrin que cela me causerait ?

Doucement, elle répondit :

— Et toi, maître, penses-tu donc que je pouvais nous laisser dans la triste situation où nous sommes, manquant de pain, lorsque j’avais là ces bagues, ces colliers, ces boucles d’oreilles, qui dormaient au fond d’un tiroir ? Mais tout mon être s’indignait, je me serais crue une avare, une égoïste, si je les avais gardés davantage… Et, si j’ai eu de la peine à m’en séparer, oh ! oui, je l’avoue, une peine si grosse, que j’ai failli n’en pas trouver le courage, je suis bien certaine de n’avoir fait que ce que je devais faire, en femme qui t’obéis toujours et qui t’adore.

Puis, comme il ne lui avait pas lâché les mains, des larmes parurent dans ses yeux, elle ajouta de la même voix douce, avec un faible sourire :

— Serre un peu moins fort, tu me fais très mal.

Alors, lui aussi pleura, retourné, jeté à un attendrissement profond.

— Je suis une brute, de me fâcher ainsi… Tu as bien agi, tu ne pouvais agir autrement. Mais pardonne-moi, cela m’a été si dur, de te voir dépouillée… Donne-moi tes mains, tes pauvres mains, que je les guérisse.

Il lui reprit les mains avec délicatesse et il les couvrait de baisers, il les trouvait inestimables, nues et si fines, ainsi dégarnies de bagues. Maintenant, soulagée, joyeuse, elle lui contait son escapade, comment elle avait mis Martine dans la confidence et comment toutes deux étaient allées chez la revendeuse, celle qui avait vendu le corsage en vieux point d’Alençon. Enfin, après un examen et un marchandage interminables, cette femme avait donné six