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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/29

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avait poussé chez elle, en même temps que la beauté. À côté de la têtue, de la garçonnière qu’elle restait parfois, elle était devenue une soumise, une tendre, aimant à être aimée. La vérité était qu’elle avait grandi librement, n’ayant jamais appris qu’à lire et à écrire, s’étant fait ensuite d’elle-même une instruction assez vaste, en aidant son oncle. Mais il n’y avait eu aucun plan arrêté entre eux, elle s’était seulement passionnée pour l’histoire naturelle, ce qui lui avait tout révélé de l’homme et de la femme. Et elle gardait sa pudeur de vierge, comme un fruit que nulle main n’a touché, sans doute grâce à son attente ignorée et religieuse de l’amour, ce sentiment profond de femme qui lui faisait réserver le don de tout son être, son anéantissement dans l’homme qu’elle aimerait.

Elle releva ses cheveux, se lava à grande eau ; puis, cédant à son impatience, elle revint ouvrir doucement la porte de sa chambre, et se risqua à traverser sur la pointe des pieds, sans bruit, la vaste salle de travail. Les volets étaient fermés encore, mais elle voyait assez clair, pour ne pas se heurter aux meubles. Lorsqu’elle fut à l’autre bout, devant la porte de la chambre du docteur, elle se pencha, retenant son haleine. Était-il levé déjà ? que pouvait-il faire ? Elle l’entendit nettement qui marchait à petits pas, s’habillant sans doute. Jamais elle n’entrait dans cette chambre, où il aimait à cacher certains travaux, et qui restait close, ainsi qu’un tabernacle. Une anxiété l’avait prise, celle d’être trouvée là par lui, s’il poussait la porte ; et c’était un grand trouble, une révolte de son orgueil et un désir de montrer sa soumission. Un instant, son besoin de se réconcilier devint si fort, qu’elle fut sur le point de frapper. Puis, comme le bruit des pas se rapprochait, elle se sauva follement.

Jusqu’à huit heures, Clotilde s’agita dans une impa-