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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/295

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tournait à l’insulte, la misère menaçante, si lourde pour eux deux, l’impossibilité de continuer cette existence mauvaise, où lui, vieillissant, perdrait son reste de santé, où elle, si jeune, achèverait de compromettre sa vie entière. Quel avenir pouvaient-ils espérer, maintenant que la pauvreté était venue ? C’était imbécile et cruel, de s’entêter ainsi.

Toute droite et le visage fermé, Clotilde gardait le silence, refusant même la discussion. Mais, comme sa grand-mère la pressait, la harcelait, elle dit enfin :

— Encore une fois, je n’ai aucun devoir envers mon frère, mon devoir est ici. Il peut disposer de sa fortune, je n’en veux pas. Quand nous serons trop pauvres, maître renverra Martine, et il me gardera comme servante.

Elle acheva d’un geste. Oh ! oui, se dévouer à son prince, lui donner sa vie, mendier plutôt le long des routes, en le menant par la main ! puis, au retour, ainsi que le soir où ils étaient allés de porte en porte, lui faire le don de sa jeunesse et le réchauffer entre ses bras purs !

La vieille madame Rougon hocha le menton.

— Avant d’être sa servante, tu aurais mieux fait de commencer par être sa femme… Pourquoi ne vous êtes-vous pas mariés ? C’était plus simple et plus propre.

Elle rappela qu’un jour elle était venue pour exiger ce mariage, afin d’étouffer le scandale naissant ; et la jeune fille s’était montrée surprise, disant que ni elle ni le docteur n’avaient songé à cela, mais que, s’il le fallait, ils s’épouseraient tout de même, plus tard, puisque rien ne pressait.

— Nous marier, je le veux bien ! s’écria Clotilde. Tu as raison, grand’mère…

Et, s’adressant à Pascal :

— Cent fois, tu m’as répété que tu ferais ce que je