Aller au contenu

Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grondement de foudre. Des branches cassaient, disparaissaient, des toitures étaient soulevées, charriées si loin, qu’on ne les retrouvait plus. Pourquoi le mistral ne les prenait-il pas ensemble, les jetant là-bas, au pays inconnu, où l’on est heureux ? Les malles allaient être faites, lorsqu’il voulut rouvrir un volet, que le vent venait de rabattre ; mais, par la fenêtre entrebâillée, ce fut un tel engouffrement, qu’elle dut accourir à son secours. Ils pesèrent de tout leur poids, ils purent enfin tourner l’espagnolette. Dans la chambre, les derniers chiffons s’étaient débandés, et ils ramassèrent, en morceaux, un petit miroir à main, tombé d’une chaise. Était-ce donc un signe de mort prochaine, comme le disaient les femmes du faubourg ?

Le soir, après un morne dîner dans la salle à manger claire, aux grands bouquets fleuris, Pascal parla de se coucher de bonne heure. Clotilde devait partir, le lendemain matin, par le train de dix heures un quart ; et il s’inquiétait pour elle de la longueur du voyage, vingt heures de chemin de fer. Puis, au moment de se mettre au lit, il l’embrassa, il s’obstina, dès cette nuit même, à coucher seul, à aller reprendre sa chambre. Il voulait absolument, disait-il, qu’elle se reposât. S’ils restaient ensemble, ni l’un ni l’autre ne fermeraient les paupières, ce serait une nuit blanche, infiniment triste. Vainement, elle le supplia de ses grands yeux tendres, elle lui tendit ses bras divins : il eut l’extraordinaire force de s’en aller, de lui mettre des baisers sur les yeux, comme à une enfant, en la bordant dans ses couvertures et en lui recommandant d’être bien raisonnable, de bien dormir. La séparation n’était-elle pas consommée déjà ? Cela l’aurait empli de remords et de honte, s’il l’avait possédée encore, lorsqu’elle n’était plus à lui. Mais quelle rentrée affreuse, dans cette chambre humide, abandonnée, où