la couche froide de son célibat l’attendait ! Il lui sembla rentrer dans sa vieillesse, qui retombait à jamais sur lui, pareille à un couvercle de plomb. D’abord, il accusa le vent de son insomnie. La maison morte s’emplissait de hurlements, des voix implorantes et des voix de colère se mêlaient, au milieu de sanglots continus. Deux fois, il se releva, alla écouter chez Clotilde, n’entendit rien. En bas, il descendit fermer une porte qui tapait, avec des coups sourds, comme si le malheur eût frappé aux murs. Des souffles traversaient les pièces noires, il se recoucha glacé, frissonnant, hanté de visions lugubres. Puis, il eut conscience que cette grande voix dont il souffrait, qui lui ôtait le sommeil, ne venait pas du mistral déchaîné. C’était l’appel de Clotilde, la sensation qu’elle était encore là et qu’il s’était privé d’elle. Alors, il roula dans une crise de désir éperdu, d’abominable désespoir. Mon Dieu ! ne plus l’avoir jamais à lui, lorsqu’il pouvait, d’un mot, l’avoir encore, l’avoir toujours ! C’était un arrachement de sa propre chair, cette chair jeune qu’on lui enlevait. À trente ans, une femme se retrouve. Mais quel effort, dans la passion de sa virilité finissante, pour renoncer à ce corps frais, sentant bon la jeunesse, qui s’était royalement donné, qui lui appartenait comme son bien et sa chose ! Dix fois, il fut sur le point de sauter du lit, et de l’aller reprendre, et de la garder. L’effrayante crise dura jusqu’au jour, au milieu de l’assaut enragé du vent, dont la vieille maison tremblait toute.
Il était six heures, lorsque Martine, ayant cru que son maître l’appelait dans sa chambre, en tapant au parquet, monta. Elle arrivait, de l’air vif et exalté qu’elle avait depuis l’avant-veille ; mais elle resta immobile d’inquiétude et de saisissement, lorsqu’elle l’aperçut, à demi vêtu, jeté en travers de son lit, ravagé, mordant son oreiller pour étouffer ses sanglots. Il avait voulu se lever,