Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/314

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pas crier le nom de Clotilde. Elle était partout, dans cette maison morne, où il se cloîtrait. Il la retrouvait traversant chaque pièce, assise sur tous les sièges, debout derrière toutes les portes. En bas, dans la salle à manger, il ne pouvait plus se mettre à table, sans l’avoir en face de lui. Dans la salle de travail, en haut, elle continuait à être sa compagne de chaque seconde, elle y avait tant vécu enfermée, elle-même, que son image semblait émaner des choses : sans cesse, il la sentait évoquée près de lui, il la devinait droite et mince devant son pupitre, penchée sur un pastel, avec son fin profil. Et, s’il ne sortait pas pour fuir cette hantise du cher et torturant souvenir, c’était qu’il avait la certitude de la retrouver partout aussi dans le jardin, rêvant au bord de la terrasse, suivant à pas ralentis les allées de la pinède, assise et rafraîchie sous les platanes par l’éternel chant de la source, couchée sur l’aire, au crépuscule, les yeux perdus, attendant les étoiles. Mais il existait surtout pour lui un lieu de désir et de terreur, un sanctuaire sacré où il n’entrait qu’en tremblant : la chambre où elle s’était donnée à lui, où ils avaient dormi ensemble. Il en gardait la clef, il n’y avait pas dérangé un objet de place, depuis le triste matin du départ ; et une jupe oubliée traînait encore sur un fauteuil. Là, il respirait jusqu’à son souffle, sa fraîche odeur de jeunesse, restée parmi l’air comme un parfum. Il ouvrait ses bras éperdus, il les serrait sur son fantôme, flottant dans le tendre demi-jour des volets fermés, dans le rose éteint de la vieille indienne des murs, couleur d’aurore. Il sanglotait devant les meubles, il baisait le lit, la place marquée où se dessinait l’élancement divin de son corps. Et sa joie d’être là, son regret de ne plus y voir Clotilde, cette émotion violente l’épuisait à un tel point, qu’il n’osait pas visiter tous les jours ce lieu redoutable, couchant dans sa chambre froide, où ses