Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/318

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D’abord, Ramond s’y refusa, en affectant de tourner la consultation en plaisanterie. Est-ce qu’un conscrit comme lui oserait se prononcer sur son général ? Mais il l’examinait pourtant, lui trouvait la face tirée, angoissée, avec un singulier effarement du regard. Il finit par l’ausculter avec beaucoup d’attention, l’oreille collée longuement contre sa poitrine. Plusieurs minutes s’écoulèrent, dans un profond silence.

— Eh bien ? demanda Pascal, lorsque le jeune médecin se releva.

Celui-ci ne parla pas tout de suite. Il sentait les yeux du maître droit dans ses yeux. Aussi ne les détourna-t-il pas ; et, devant la bravoure tranquille de la demande, il répondit simplement :

— Eh bien ! c’est vrai, je crois qu’il y a de la sclérose.

— Ah ! vous êtes gentil de ne pas mentir, reprit le docteur. J’ai eu peur un instant que vous ne mentiez, et cela m’aurait fait de la peine.

Ramond s’était remis à écouter, disant à demi-voix :

— Oui, l’impulsion est énergique, le premier bruit est sourd, tandis que le second, au contraire, est éclatant… On sent que la pointe s’abaisse et se trouve reportée vers l’aisselle… Il y a de la sclérose, c’est au moins très probable…

Puis, se relevant :

— On vit vingt ans avec cela.

— Sans doute, parfois, dit Pascal. À moins qu’on n’en meure tout de suite, foudroyé.

Ils causèrent encore, s’étonnèrent au sujet d’un cas étrange de sclérose du cœur, observé à l’hôpital de Plassans. Et, lorsque le jeune médecin partit, il annonça qu’il reviendrait, dès qu’il aurait des nouvelles de l’affaire Grandguillot.

Quand il fut seul, Pascal se sentit perdu. Tout s’éclairait,