Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/324

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même une absolue certitude. Maintenant, elle ne pouvait se tromper, la conception remontait sûrement aux derniers jours d’août, à cette nuit heureuse où elle lui avait donné le royal festin de jeunesse, le soir de leur course de misère, de porte en porte. N’avaient-ils pas senti passer, dans une de leurs étreintes, la volupté accrue et divine de l’enfant ? Après le premier mois, dès son arrivée à Paris, elle avait douté, croyant à un retard, à une indisposition, bien explicable au milieu du trouble et des chagrins de leur rupture. Mais, n’ayant encore rien vu le second mois, elle avait attendu quelques jours, et elle était aujourd’hui certaine de sa grossesse, que tous les symptômes d’ailleurs confirmaient. La lettre était courte, disant le fait simplement, pleine pourtant d’une ardente joie, d’un élan d’infinie tendresse, dans un désir de retour immédiat.

Éperdu, craignant de ne pas bien comprendre, Pascal recommença la lettre. Un enfant ! cet enfant qu’il se méprisait de n’avoir pu faire, le jour du départ, dans le grand souffle désolé du mistral, et qui était là déjà, qu’elle emportait, lorsqu’il regardait au loin fuir le train, par la plaine rase ! Ah ! c’était l’œuvre vraie, la seule bonne, la seule vivante, celle qui le comblait de bonheur et d’orgueil. Ses travaux, ses craintes de l’hérédité avaient disparu. L’enfant allait être, qu’importait ce qu’il serait ! pourvu qu’il fût la continuation, la vie léguée et perpétuée, l’autre soi-même ! Il en restait remué jusqu’au fond des entrailles, dans un frisson attendri de tout son être. Il riait, il parlait tout haut, il baisait follement la lettre.

Mais un bruit de pas le fit se calmer un peu. Il tourna la tête, il vit Martine.

— Monsieur le docteur Ramond est en bas.

— Ah ! qu’il monte, qu’il monte !