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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/337

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pour l’appareil circulatoire. C’était l’action indéniable et purement mécanique de ces dernières qui l’avait mis sur la voie, il ne faisait qu’étendre à présent l’hypothèse, par un besoin de son esprit généralisateur, il voyait de nouveau le monde sauvé dans cet équilibre parfait, autant de travail rendu que de sensation reçue, le branle du monde rétabli dans son labeur éternel.

Puis, il se mit à rire franchement.

— Bon ! me voilà parti encore !… Et moi qui crois, au fond, que l’unique sagesse est de ne pas intervenir, de laisser faire la nature ! Ah ! le vieux fou incorrigible !

Mais Ramond lui avait saisi les deux mains, dans un élan de tendresse et d’admiration.

— Maître, maître ! c’est avec de la passion, de la folie comme la vôtre qu’on fait du génie !… Soyez sans crainte, je vous ai écouté, je tâcherai d’être digne de votre héritage ; et, je le crois comme vous, peut-être le grand demain est-il là tout entier.

Dans la chambre attendrie et calme, Pascal se remit à parler, avec la tranquillité brave d’un philosophe mourant qui donne sa dernière leçon. Maintenant, il revenait sur ses observations personnelles, il expliquait qu’il s’était souvent guéri lui-même par le travail, un travail réglé et méthodique, sans surmenage. Onze heures sonnèrent, il voulut que Ramond déjeunât, et il continua la conversation, très loin, très haut, pendant que Martine servait. Le soleil avait fini par percer les nuées grises de la matinée, un soleil à demi voilé encore et très doux, dont la nappe dorée tiédissait la vaste pièce. Puis, comme il achevait de boire quelques gorgées de lait, il se tut.

À ce moment, le jeune médecin mangeait une poire.

— Est-ce que vous souffrez davantage ?

— Non, non, finissez.

Mais il ne put mentir. C’était une crise, et terrible. La