Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/338

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suffocation vint en coup de foudre, le renversa sur l’oreiller, le visage déjà bleu. Des deux mains, il avait saisi le drap à poignée, il s’y cramponnait, comme pour trouver un point d’appui et soulever l’effroyable masse qui lui écrasait la poitrine. Atterré, livide, il tenait ses yeux grands ouverts, fixés sur la pendule, avec une effrayante expression de désespoir et de douleur. Et, pendant dix longues minutes, il faillit expirer.

Tout de suite, Ramond l’avait piqué. Le soulagement fut lent à se produire, l’efficacité était moindre.

De grosses larmes parurent dans les yeux de Pascal, dès que la vie lui revint. Il ne parlait pas encore, il pleurait. Puis, regardant toujours la pendule, de ses regards obscurcis :

— Mon ami, je mourrai à quatre heures, je ne la verrai pas.

Et, comme Ramond, pour distraire sa pensée, affirmait contre l’évidence que la terminaison n’était pas si prochaine, lui fut repris de sa passion de savant, voulant donner à son jeune confrère une dernière leçon, basée sur l’observation directe. Il avait soigné plusieurs cas pareils au sien, il se souvenait surtout d’avoir disséqué, à l’hôpital, le cœur d’un vieux, pauvre atteint de sclérose.

— Je le vois, mon cœur… Il est couleur de feuille morte, les fibres en sont cassantes, on le dirait amaigri, bien qu’il ait augmenté un peu de volume. Le travail inflammatoire a dû le durcir, on le couperait difficilement…

Il continua à voix plus basse. Tout à l’heure, il avait bien senti son cœur qui mollissait, dont les contractions devenaient molles et lentes. Au lieu du jet de sang normal, il ne sortait plus par l’aorte qu’une bave rouge. Derrière, les veines étaient gorgées de sang noir, l’étouffement augmentait, à mesure que se ralentissait la pompe