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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/368

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— Non, j’ai servi monsieur, je ne servirai personne après monsieur.

— Mais moi !

Elle leva les yeux, regarda la jeune femme en face, cette fillette aimée qu’elle avait vue grandir.

— Vous, non !

Alors, Clotilde eut un embarras, voulut lui parler de l’enfant qu’elle portait, de cet enfant de son maître, qu’elle consentirait à servir peut-être. Et elle fut devinée, Martine se rappela la conversation qu’elle avait surprise, regarda ce ventre de femme féconde, où la grossesse ne s’indiquait pas encore. Un instant, elle parut réfléchir. Puis, nettement :

— L’enfant, n’est-ce pas ?… Non !

Et elle acheva de donner son compte, réglant l’affaire en fille pratique, qui savait le prix de l’argent.

— Puisque j’ai de quoi, je vais aller manger tranquillement mes rentes quelque part… Vous, mademoiselle, je puis vous quitter, car vous n’êtes pas pauvre. Monsieur Ramond vous expliquera demain comment on a sauvé quatre mille francs de rente, chez le notaire. Voici, en attendant, la clef du secrétaire, où vous retrouverez les cinq mille francs que Monsieur y a laissés… Oh ! je sais bien que nous n’aurons pas de difficultés ensemble. Monsieur ne me payait plus depuis trois mois, j’ai des papiers de lui qui en témoignent. En outre, dans ces temps derniers, j’ai avancé à peu près deux cents francs de ma poche, sans qu’il sût d’où l’argent venait. Tout cela est écrit, je suis tranquille, mademoiselle ne me fera pas tort d’un centime… Après-demain, quand monsieur ne sera plus là, je partirai.

À son tour, elle descendit à la cuisine, et Clotilde, malgré la dévotion aveugle de cette fille qui lui avait fait prêter les mains à un crime, se sentit affreusement triste