Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/372

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pris, vis-à-vis d’elle, l’attitude simplement déférente que Pascal avait gardée toujours. D’ailleurs, Félicité était toute à son triomphe. Elle allait réaliser enfin une idée longtemps caressée, mûrement réfléchie, qui devait consacrer par un monument impérissable la pure gloire de la famille. Cette idée était d’employer sa fortune, devenue considérable, à la construction et à la dotation d’un Asile pour les vieillards, qui s’appellerait l’Asile Rougon. Déjà, elle avait acheté le terrain, une partie de l’ancien Jeu de Mail, en dehors de la ville, près de la gare ; et précisément, ce dimanche-là, vers cinq heures, quand la chaleur tomberait un peu, on devait poser la première pierre, une solennité véritable, honorée par la présence des autorités, et dont elle serait la reine applaudie, au milieu d’un concours énorme de population.

Clotilde éprouvait, en outre, quelque reconnaissance pour sa grand’mère, qui venait de montrer un désintéressement parfait, lors de l’ouverture du testament de Pascal. Celui-ci avait institué la jeune femme sa légataire universelle ; et la mère, qui gardait son droit à la réserve d’un quart, après s’être déclarée respectueuse des volontés dernières de son fils, avait simplement renoncé à la succession. Elle voulait bien déshériter tous les siens, ne leur léguer que de la gloire, en employant sa grosse fortune à l’érection de cet Asile qui porterait le nom respecté et béni des Rougon aux âges futurs ; mais, après avoir été, pendant un demi-siècle, si âpre à la conquête de l’argent, elle le dédaignait à cette heure, épurée dans une ambition plus haute. Et Clotilde, grâce à cette libéralité, n’avait plus d’inquiétude pour l’avenir : les quatre mille francs de rente leur suffiraient, à elle et à son enfant. Elle l’élèverait, elle en ferait un homme. Même elle avait placé, sur la tête du petit, à fonds perdus, les cinq mille francs du secrétaire ; et elle possédait encore la