dans la tranquillité de l’intelligence satisfaite ! En attendant, le travail voulu et réglé suffisait à la bonne santé de tous. Peut-être la souffrance serait-elle utilisée un jour. Et, en face du labeur énorme, devant cette somme des vivants, des méchants et des bons, admirables quand même de courage et de besogne, elle ne voyait plus qu’une humanité fraternelle, elle n’avait plus qu’une indulgence sans bornes, une infinie pitié et une charité ardente. L’amour, comme le soleil, baigne la terre, et la bonté est le grand fleuve où boivent tous les cœurs.
Clotilde, depuis deux heures bientôt, tirait son aiguille, du même mouvement régulier, pendant que sa rêverie s’égarait. Mais les cordons des petites brassières étaient recousus, elle avait aussi marqué des couches neuves, achetées la veille. Et elle se leva, ayant fini sa couture, voulant ranger ce linge. Au-dehors, le soleil baissait, les flèches d’or n’entraient plus que très minces et obliques, par les fentes. Elle voyait à peine clair, elle dut aller ouvrir un volet ; puis, elle s’oublia un instant, devant le vaste horizon, brusquement déroulé. La grosse chaleur tombait, un vent léger soufflait dans l’admirable ciel, d’un bleu sans tache. À gauche, on distinguait jusqu’aux moindres touffes de pins, parmi les écroulements sanglants des rochers de la Seille ; tandis que, vers la droite, après les coteaux de Sainte-Marthe, la vallée de la Viorne s’étalait à l’infini, dans le poudroiement d’or du couchant. Elle regarda un instant la tour de Saint-Saturnin, toute en or elle aussi, dominant la ville rose ; et elle se retirait, lorsqu’un spectacle la ramena, la retint, accoudée, longtemps encore.
C’était, au-delà de la ligne du chemin de fer, un grouillement de foule, qui se pressait dans l’ancien Jeu de Mail. Clotilde se rappela aussitôt la cérémonie, et elle comprit que sa grand’mère Félicité allait poser la première