Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/380

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semble avoir de l’au delà, une nécessité d’échapper au monde visible, de contenter l’illusion de l’absolue justice et du bonheur à venir. Ce qui lui restait de son tourment de jadis, ses envolées dernières s’y apaisaient, puisque l’humanité souffrante ne peut vivre sans la consolation du mensonge. Mais tout se fondait heureusement en elle. À ce tournant d’une époque surmenée de science, inquiète des ruines qu’elle avait faites, prise d’effroi devant le siècle nouveau, avec l’envie affolée de ne pas aller plus loin et de se rejeter en arrière, elle était l’heureux équilibre, la passion du vrai élargie par le souci de l’inconnu. Si les savants sectaires fermaient l’horizon pour s’en tenir strictement aux phénomènes, il lui était permis, à elle, bonne créature simple, de faire la part de ce qu’elle ne savait pas, de ce qu’elle ne saurait jamais. Et, si le credo de Pascal était la conclusion logique de toute l’œuvre, l’éternelle question de l’au-delà qu’elle continuait quand même à poser au ciel rouvrait la porte de l’infini, devant l’humanité en marche. Puisque toujours il faudra apprendre, en se résignant à ne jamais tout connaître, n’était-ce pas vouloir le mouvement, la vie elle-même, que de réserver le mystère, un éternel doute et un éternel espoir ?

Un nouveau bruit, une aile qui passa, l’effleurement d’un baiser sur ses cheveux, la fit sourire cette fois. Il était sûrement là. Et tout en elle aboutissait à une tendresse immense, venue de partout, noyant son être. Comme il était bon et gai, et quel amour des autres lui donnait sa passion de la vie ! Lui-même peut-être n’était qu’un rêveur, car il avait fait le plus beau des rêves, cette croyance finale à un monde supérieur, quand la science aurait investi l’homme d’un pouvoir incalculable : tout accepter, tout employer au bonheur, tout savoir et tout prévoir, réduire la nature à n’être qu’une servante, vivre