Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/43

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Ce matin-là, dans sa chambre, une pièce au nord, un peu assombrie par le voisinage des platanes, meublée simplement de son lit de fer, d’un secrétaire en acajou et d’un grand bureau, où se trouvaient un mortier et un microscope, il achevait, avec des soins infinis, la fabrication d’une fiole de sa liqueur. Après avoir pilé de la substance nerveuse de mouton, dans de l’eau distillée, il avait dû décanter et filtrer. Et il venait enfin d’obtenir une petite bouteille d’un liquide trouble, opalin, irisé de reflets bleuâtres, qu’il regarda longtemps à la lumière, comme s’il avait tenu le sang régénérateur et sauveur du monde.

Mais des coups légers contre la porte et une voix pressante le tirèrent de son rêve.

— Eh bien ! quoi donc ? monsieur, il est midi un quart, vous ne voulez pas déjeuner ?

En bas, en effet, le déjeuner attendait, dans la grande salle à manger fraîche. On avait laissé les volets fermés, un seul venait d’être entr’ouvert. C’était une pièce gaie, aux panneaux de boiserie gris perle, relevé de filets bleus. La table, le buffet, les chaises, avaient dû compléter autrefois le mobilier empire qui garnissait les chambres ; et, sur le fond clair, le vieil acajou s’enlevait en vigueur, d’un rouge intense. Une suspension de cuivre poli, toujours reluisante, brillait comme un soleil ; tandis que, sur les quatre murs, fleurissaient quatre grands bouquets au pastel, des giroflées, des œillets, des jacinthes, des roses.

Rayonnant, le docteur Pascal entra.

— Ah ! fichtre ! je me suis oublié, je voulais finir… En voilà, de la toute neuve et de la très pure, cette fois, de quoi faire des miracles !

Et il montrait la fiole, qu’il avait descendue, dans son enthousiasme. Mais il aperçut Clotilde droite et muette,