La conversation continua, Clotilde paraissait heureuse de cet événement qui rompait enfin le lourd silence, et Pascal conclut :
— Bon ! si c’est lui, il viendra nous voir.
C’était Maxime, en effet. Il cédait, après des mois de refus, aux sollicitations pressantes de la vieille madame Rougon, qui avait, de ce côté encore, toute une plaie vive de la famille à fermer. L’histoire était ancienne, et elle s’aggravait chaque jour.
À l’âge de dix-sept ans, il y avait quinze ans déjà, Maxime avait eu, d’une servante séduite, un enfant, sotte aventure de gamin précoce, dont Saccard, son père, et sa belle-mère Renée, celle-ci simplement vexée du choix indigne, s’étaient contentés de rire. La servante, Justine Mégot, était justement d’un village des environs, une fillette blonde de dix-sept ans aussi, docile et douce ; et on l’avait renvoyée à Plassans, avec une rente de douze cents francs, pour élever le petit Charles. Trois ans plus tard, elle y avait épousé un bourrelier du faubourg, Anselme Thomas, bon travailleur, garçon raisonnable que la rente tentait. Du reste, elle était devenue d’une conduite exemplaire, engraissée, comme guérie d’une toux qui avait fait craindre une hérédité fâcheuse, due à toute une ascendance alcoolique. Et deux nouveaux enfants, nés de son mariage, un garçon âgé de dix ans, et une petite fille de sept, gras et roses, se portaient admirablement bien ; de sorte qu’elle aurait été la plus respectée, la plus heureuse des femmes, sans les ennuis que Charles lui causait dans son ménage. Thomas, malgré la rente, exécrait ce fils d’un autre, le bousculait, ce dont souffrait secrètement la mère, en épouse soumise et silencieuse. Aussi, bien qu’elle l’adorât, l’aurait-elle volontiers rendu à la famille du père.
Charles, à quinze ans, en paraissait à peine douze, et