Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/76

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du petit ; et il avait le cœur froid, cette beauté elle-même l’effrayait, son malaise grandissait dans cette chambre de démence, où soufflait toute une misère humaine, venue de loin.

— Comme tu es beau, mon mignon !… Est-ce que tu m’aimes un peu ?

Charles le regarda, ne comprit pas, se remit à ses images.

Mais tous restèrent saisis. Sans que l’expression fermée de son visage eût changé, Tante Dide pleurait, un flot de larmes roulait de ses yeux vivants sur ses joues mortes. Elle ne quittait toujours pas l’enfant du regard, et elle pleurait lentement, à l’infini.

Alors, ce fut, pour Pascal, une émotion extraordinaire. Il avait pris le bras de Clotilde, il le serrait violemment, sans qu’elle pût comprendre. C’était que, devant ses yeux, s’évoquait toute la lignée, la branche légitime et la branche bâtarde, qui avaient poussé de ce tronc, lésé déjà par la névrose. Les cinq générations étaient là en présence, les Rougon et les Macquart, Adélaïde Fouque à la racine, puis le vieux bandit d’oncle, puis lui-même, puis Clotilde et Maxime, et enfin Charles. Félicité comblait la place de son mari mort. Il n’y avait pas de lacune, la chaîne se déroulait, dans son hérédité logique et implacable. Et quel siècle évoqué, au fond du cabanon tragique, où soufflait cette misère venue de loin, dans un tel effroi, que tous, malgré l’accablante chaleur, frissonnèrent !

— Quoi donc, maître ? demanda tout bas Clotilde tremblante.

— Non, non, rien ! murmura le docteur. Je te dirai plus tard.

Macquart, qui continuait seul à ricaner, gronda la vieille mère. En voilà une idée, de recevoir les gens avec