Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nuque, la face vers le ciel ; et, dans son pâle visage, on ne voyait que ses grands yeux luire.

— Moi qui m’inquiète et qui t’appelle depuis un quart d’heure !… Tu m’entendais bien crier ?

Elle finit par desserrer les lèvres.

— Oui.

— Alors, c’est stupide ! Pourquoi ne répondais-tu pas ?

Mais elle était retombée dans son silence, elle refusait de s’expliquer, le front têtu, les regards envolés là-haut.

— Allons, viens te coucher, méchante enfant ! Tu me diras cela demain.

Elle ne bougeait toujours point, il la supplia de rentrer à dix reprises, sans qu’elle fît un mouvement. Lui-même avait fini par s’asseoir près d’elle, dans l’herbe rase, et il sentait sous lui la tiédeur du pavé.

— Enfin, tu ne peux coucher dehors… Réponds-moi au moins. Qu’est-ce que tu fais là ?

— Je regarde.

Et, de ses grands yeux immobiles, élargis et fixes, ses regards semblaient monter plus haut, parmi les étoiles. Elle était toute dans l’infini pur de ce ciel d’été, au milieu des astres.

— Ah ! maître, reprit-elle, d’une voix lente et égale, ininterrompue, comme cela est étroit et borné, tout ce que tu sais, à côté de ce qu’il y a sûrement là-haut… Oui, si je ne t’ai pas répondu, c’était que je pensais à toi et que j’avais une grosse peine… Il ne faut pas me croire méchante.

Un tel frisson de tendresse avait passé dans sa voix, qu’il en fut profondément ému. Il s’allongea à son côté, également sur le dos. Leurs coudes se touchaient. Ils causèrent.

— Je crains bien, chérie, que tes chagrins ne soient