Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/104

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— Mère ! mère, ce que je vais manger, ce soir !… Ah ! vous savez, vous m’avez promis une tarte aux fraises.

Mais, pour cette lessive, le jour du rinçage, Angélique resta seule. La mère Gabet, souffrant d’une crise brusque de sa sciatique, n’était pas venue ; et d’autres soins de ménage retenaient Hubertine au logis. Agenouillée dans sa boîte garnie de paille, la jeune fille prenait les pièces une à une, les agitait longuement, jusqu’à ce que l’eau n’en fût plus troublée, d’une limpidité de cristal. Elle ne se hâtait point, elle éprouvait depuis le matin une curiosité inquiète, ayant eu l’étonnement de trouver là un vieil ouvrier en blouse grise, qui dressait un léger échafaud, devant la fenêtre de la chapelle Hautecœur. Est-ce qu’on voulait réparer le vitrail ? Il en avait bon besoin : des verres manquaient dans le saint Georges ; d’autres, cassés au cours des siècles, étaient remplacés par de simples vitres. Pourtant, cela l’irritait. Elle était si habituée aux lacunes du saint perçant le dragon, et de la fille du roi l’emmenant avec sa ceinture, qu’elle les pleurait déjà, comme si l’on avait eu le dessein de les mutiler. Il y avait sacrilège à changer de si vieilles choses. Et, tout d’un coup, lorsqu’elle revint de déjeuner, sa colère s’en alla : un second ouvrier était sur l’échafaud, jeune celui-ci, également vêtu d’une blouse grise. Et elle l’avait reconnu, c’était lui.