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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/129

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vait, l’aiguille à la main, brodait quand même avec son application accoutumée, dans un rêve. Peut-être couvait-elle quelque grande maladie. Un soir, en se couchant, elle fut saisie d’un frisson ; elle crut qu’elle ne se relèverait pas. Son cœur battait à se rompre, ses oreilles s’emplissaient d’un bourdonnement de cloche. Aimait-elle ou allait-elle mourir ? Et elle souriait paisiblement à Hubertine, qui, en train de cirer son fil, l’examinait, inquiète.

D’ailleurs, Angélique avait fait le serment de ne jamais revoir Félicien. Elle ne se risquait plus parmi les herbes folles du Clos-Marie, elle ne visitait même plus ses pauvres. Sa peur était qu’il ne se passât quelque chose d’effrayant, le jour où ils se retrouveraient face à face. Dans sa résolution, entrait en outre une idée de pénitence, pour se punir du péché qu’elle avait pu commettre. Aussi, les matins de rigidité, se condamnait-elle à ne pas jeter un seul coup d’œil par la fenêtre, de crainte d’apercevoir, au bord de la Chevrotte, celui qu’elle redoutait. Et si, tentée, elle regardait, et qu’il ne fût pas là, elle en était toute triste, jusqu’au lendemain.

Or, un matin, Hubert ordonnait une dalmatique, lorsqu’un coup de sonnette le fit descendre. Ce devait être un client, quelque commande sans doute, car Hubertine et Angélique entendaient le bourdonnement des voix, par la porte de l’escalier,