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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/128

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être le péché poussait-il là, dans ce malaise sourd dont elle défaillait. Elle avait plein le cœur de choses vagues, indéterminées, toute une confusion de paroles et d’actes à venir, dont elle s’effarait, avant de comprendre. Un flot de sang lui empourprait les joues, elle entendait éclater les mots terrifiants : « Je vous aime » ; et elle ne raisonnait plus, elle se remettait à sangloter, doutant des faits, craignant la faute au-delà, dans ce qui n’avait pas de nom et pas de forme.

Son grand tourment était de ne s’être pas confiée à Hubertine. Si elle avait pu l’interroger, celle-ci, d’un mot sans doute, lui aurait révélé le mystère. Puis, il lui semblait que parler seulement à quelqu’un de son mal, l’aurait guérie. Mais le secret était devenu trop gros, elle serait morte de honte. Elle se faisait rusée, affectait des airs tranquilles, lorsqu’il y avait tempête, au fond de son être, Quand on l’interrogeait sur ses distractions, elle levait des yeux surpris, en répondant qu’elle ne pensait à rien. Assise devant son métier, les mains machinales tirant l’aiguille, très sage, elle était ravagée par une pensée unique, du matin au soir. Être aimée, être aimée ! Et elle à son tour, aimait-elle ? Question obscure encore, celle-ci, que son ignorance laissait sans réponse. Elle se la répétait jusqu’à s’étourdir, les mots perdaient leur sens usuel, tout coulait à une sorte de vertige qui l’emportait. D’un effort, elle se reprenait, elle se retrou-