Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/140

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Il se leva, il bégaya :

— Je reviendrai… J’ai si mal reproduit le dessin charmant de la tête, que vous aurez peut-être besoin de mes indications.

Angélique posa sur les siens ses grands yeux noirs tranquillement.

— Non, non… Mais revenez, monsieur, revenez, si l’exécution vous inquiète.

Il s’en alla, heureux de la permission, désolé de cette froideur. Elle ne l’aimait pas, elle ne l’aimerait jamais, c’était décidé. À quoi bon, alors ? Et le lendemain, et les jours suivants, il revint à la fraîche maison de la rue des Orfèvres. Les heures qu’il n’y passait pas étaient abominables, ravagées de son combat intérieur, torturées d’incertitudes. Il ne se calmait que près de la brodeuse, même résigné à ne pas lui plaire, consolé de tout, pourvu qu’elle fût présente. Chaque matin, il arrivait, parlait du travail, s’asseyait devant le métier, comme si sa présence eût été nécessaire ; et cela l’enchantait de retrouver son fin profil immobile, baigné de la clarté blonde de ses cheveux, de suivre le jeu agile de ses petites mains souples, se débrouillant au milieu des longues aiguillées. Elle était très simple, elle le traitait maintenant en camarade. Pourtant, il sentait toujours entre eux des choses qu’elle ne disait pas et dont son cœur à lui s’angoissait. Elle levait parfois la tête, avec son air de moquerie, les yeux impatients et interrogateurs.