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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/141

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Puis, en le voyant s’effarer, elle redevenait très froide.

Mais Félicien avait découvert un moyen de la passionner, dont-il abusait. C’était de lui parler de son art, des anciens chefs d’œuvre de broderie qu’il avait vus, conservés dans les trésors des cathédrales, ou gravés dans les livres : des chapes superbes, la chape de Charlemagne, en soie rouge, avec de grands aigles aux ailes éployées, la chape de Sion, que décore tout un peuple de figures saintes ; une dalmatique qui passe pour la plus belle pièce connue, la dalmatique impériale, où est célébrée la gloire de Jésus-Christ sur la terre et dans le ciel, la Transfiguration, le Jugement dernier, dont les nombreux personnages sont brodés de soies nuancées, d’or et d’argent ; un arbre de Jessé aussi, un orfroi de soie sur satin, qui semble détaché d’un vitrail du quinzième siècle, Abraham en bas, David, Salomon, la Vierge Marie, puis en haut Jésus ; et ses chasubles admirables, la chasuble d’une simplicité si grande, le Christ en croix, saignant, éclaboussé de soie rouge sur le drap d’or, ayant à ses pieds la Vierge soutenue par saint Jean, la chasuble de Naintré enfin, où l’on voit Marie, assise en majesté, les pieds chaussés, tenant l’Enfant nu sur ses genoux. D’autres, d’autres merveilles défilaient, vénérables par leur grand âge, d’une foi, d’une naïveté dans la richesse, perdues de nos jours, gardant des tabernacles