Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/153

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sang goutte à goutte, Où était-il, à cette heure ? ne frissonnait-il pas de fièvre ? Ses mains se serraient d’angoisse, à l’idée de ne savoir comment réparer, le mal. Ah ! faire souffrir, cette pensée la révoltait ! Elle aurait voulu être bonne, tout de suite, faire du bonheur autour d’elle.

Minuit allait sonner bientôt, les grands ormes de l’Évêché cachaient la lune à l’horizon, et la chambre restait noire. Alors, la tête retombée sur l’oreiller, Angélique ne pensa plus, voulut s’endormir ; mais elle ne le pouvait, ses larmes continuaient à couler de ses paupières closes. Et la pensée revenait, elle songeait aux violettes que, depuis quinze jours, elle trouvait en montant se coucher, sur le balcon, devant sa fenêtre. Chaque soir, c’était un bouquet de violettes. Félicien, certainement, le jetait du Clos-Marie, car elle se souvenait de lui avoir conté que les violettes seules, par une singulière vertu, la calmaient, lorsque le parfum des autres fleurs, au contraire, la tourmentait de terribles migraines ; et il lui envoyait ainsi des nuits douces, tout un sommeil embaumé, rafraîchi de bons rêves. Ce soir-là, comme elle avait mis le bouquet à son chevet, elle eut l’heureuse idée de le prendre, elle le coucha avec elle, près de sa joue, s’apaisa à le respirer. Les violettes enfin tarirent ses larmes. Elle ne dormait toujours pas, elle demeurait les yeux fermés, baignée de ce parfum qui venait de lui, heureuse de se re-