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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/158

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vous ne m’aimez pas… Soyez bonne, épargnez-moi…

Elle l’écoutait, muette, bouleversée de pitié, bienheureuse cependant.

— Ce matin, comme vous m’avez laissé partir ! Je m’imaginais que vous étiez devenue meilleure, que vous aviez compris. Et je vous ai retrouvée telle qu’au premier jour, indifférente, me traitant en simple client qui passe, me rappelant durement aux questions basses de la vie… Dans l’escalier, je trébuchais. Dehors, j’ai couru, j’avais peur d’éclater en larmes. Puis, au moment de monter chez moi, il m’a semblé que j’allais étouffer, si je m’enfermais… Alors, je me suis sauvé en rase campagne, j’ai marché au hasard, un chemin, puis un autre. La nuit s’est faite, je marchais encore. Mais le tourment galopait aussi vite et me dévorait. Quand on aime, on ne peut fuir la peine de son amour… Tenez ! c’était là que vous aviez planté le couteau, et la pointe s’enfonçait toujours plus avant.

Il eut une longue plainte, au souvenir de son supplice.

— Je suis resté des heures dans l’herbe, abattu par le mal, comme un arbre arraché… Et plus rien n’existait, il n’y avait que vous. La pensée que je ne vous aurais pas me faisait mourir. Déjà, mes membres s’engourdissaient, une folie emportait ma tête… Et c’est pourquoi je suis revenu. Je ne sais par où j’ai passé, comment j’ai pu arriver jusqu’à