Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/162

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rais pas sans doute. Lorsque vous êtes venu, avec votre dessin de sainte Agnès, j’étais enchantée de travailler pour vous, je me doutais bien que vous reviendriez chaque jour, Et, voyez un peu, j’ai affecté l’indifférence, comme si je prenais à tâche de vous chasser de la maison. On a donc le besoin de se rendre malheureux ? Tandis que j’aurais voulu vous accueillir les mains ouvertes, il y avait, au fond de mon être, une autre femme qui se révoltait, qui avait crainte et méfiance de vous, qui se plaisait à vous torturer d’incertitude, dans l’idée vague d’une querelle à vider, dont elle aurait oublié la cause très ancienne. Je ne suis pas toujours bonne, il repousse en moi des choses que j’ignore… Et, le pis, certes, est que je vous ai parlé d’argent. Ah ! l’argent, moi qui n’y ai jamais songé, qui en accepterais seulement de pleins chariots pour la joie d’en faire pleuvoir où je voudrais ! Quel amusement de malice ai-je pu prendre à me calomnier ainsi ? Me pardonnerez-vous ?

Félicien était à ses pieds. Il avait marché sur les genoux, jusqu’à elle. C’était inespéré et sans bornes.

Il murmura :

— Ah ! chère âme, inestimable, et belle, et bonne, d’une bonté de prodige qui m’a guéri d’un souffle ! Je ne sais plus si j’ai souffert… Et c’est à vous de me pardonner, car j’ai à vous faire un aveu, il faut que je vous dise qui je suis.

Un grand trouble le reprenait, à l’idée qu’il ne