Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/182

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qui doivent déboucher sur la place, devant la Sous-Préfecture… Ça n’en finit plus, les grandes voies de Beaumont-la-Ville. Et pour le plaisir qu’ils ont à voir sainte Agnès, ces marchands de toile !

Un fin nuage rose, coupé délicatement d’un treillis d’or, planait au ciel. Cela se sentait, dans l’immobilité de l’air, que toute la vie civile était suspendue, que Dieu avait quitté sa maison, où chacun attendait qu’on le ramenât, pour reprendre les occupations quotidiennes. En face, les draperies bleues de l’orfèvre, les rideaux rouges du cirier, barraient toujours leurs boutiques. Les rues semblaient dormir, il n’y avait plus, de l’une à l’autre, que le lent passage du clergé, dont le cheminement se devinait de tous les points de la ville.

— Mère, mère, je t’assure qu’ils sont à l’entrée de la rue Magloire. Ils vont remonter la pente.

Elle mentait, il n’était que six heures et demie, et jamais la procession ne rentrait avant sept heures un quart. Elle savait bien que le dais devait longer à ce moment le bas port du Ligneul. Mais elle avait une telle hâte !

— Mère, dépêchons, nous n’aurons pas de placé.

— Allons, viens ! finit par dire Hubertine, en souriant malgré elle.

— Moi, je reste, déclara Hubert. Je vais décrocher les broderies et je mettrai la table.

L’église leur parut vide, Dieu n’étant plus là. Toutes les portes en restaient ouvertes, comme