Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/192

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Angélique, qui, au nom de Monseigneur, s’était intéressée, retomba dans sa songerie, dès que l’on causa de la procession. Puis, au bout de quelques minutes, elle se mit debout.

— Où vas-tu donc ? interrogea Hubertine.

Cette question la surprit, comme si elle-même ne se fût pas demandé pourquoi elle se levait.

— Mère, je monte, je suis très lasse.

Et, derrière cette excuse, Hubertine devinait la vraie raison, le besoin d’être seule, avec son bonheur.

— Viens m’embrasser.

Lorsqu’elle la tint serrée contre elle, dans ses bras, elle la sentit frémir. Son baiser de chaque soir se déroba presque. Alors, très grave, elle la regarda en face, elle lut dans ses yeux le rendez-vous accepté, la fièvre de s’y rendre.

— Sois sage, dors bien.

Mais déjà Angélique, après un rapide bonsoir à Hubert et à l’abbé Cornille, montait dans sa chambre, éperdue, tellement elle avait senti son secret au bord de ses lèvres. Si sa mère l’avait gardée une seconde encore contre son cœur, elle aurait parlé. Quand elle se fut enfermée à double tour, la lumière la blessa, elle souffla sa bougie. La lune se levait de plus en plus tard, la nuit était très sombre. Et, sans se déshabiller, assise devant la fenêtre ouverte sur les ténèbres, elle attendit pendant des heures. Les minutes s’écoulaient