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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/196

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Mais, d’un joli geste d’impatience, elle l’interrompit :

— Non, non, parlons de vous, rien que de vous. Est-ce que je compte, moi ? est-ce que ça importe, ce que je suis, ce que je pense ?… C’est vous seul qui existez maintenant.

Et, se serrant contre lui, ralentissant le pas, le long de la rivière enchantée, elle l’interrogeait sans fin, elle voulait tout connaître, son enfance, sa jeunesse, les vingt années qu’il avait vécues loin de son père.

— Je sais que votre mère est morte à votre naissance, et que vous avez grandi chez un oncle, un vieil abbé… Je sais que Monseigneur refusait de vous revoir.

Il parla très bas, d’une voix lointaine, qui semblait monter du passé.

— Oui, mon père avait adoré ma mère, j’étais coupable d’être venu et de l’avoir tuée… Mon oncle m’élevait dans l’ignorance de ma famille, durement, comme si j’avais été un enfant pauvre, confié à ses soins. Je n’ai su la vérité que très tard, il y a deux ans à peine… Mais cela ne m’a pas surpris, je sentais cette grande fortune derrière moi. Tout travail régulier m’ennuyait, je n’étais bon qu’à courir les champs. Puis, s’est déclarée ma passion pour les vitraux de notre petite église…

Elle riait, et il s’égaya aussi.

— Je suis un ouvrier comme vous, j’avais décidé