Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/197

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que je gagnerais ma vie à peindre des vitraux, lorsque tout cet argent s’est écroulé sur moi… Et mon père montrait tant de chagrin, les jours où l’oncle lui écrivait que j’étais un diable, que jamais je n’entrerais dans les ordres ! C’était sa volonté formelle, de me voir prêtre, peut-être l’idée que je rachèterais par là le meurtre de ma mère. Il s’est rendu pourtant, il m’a rappelé près de lui… Ah ! vivre, vivre, que c’est bon ! Vivre pour aimer et être aimé !

Sa jeunesse bien-portante et vierge vibra dans ce cri, dont frissonna la nuit calme. Il était la passion, la passion dont sa mère était morte, la passion qui l’avait jeté à ce premier amour, éclos du mystère. Toute sa fougue y aboutissait, sa beauté, sa loyauté, son ignorance et son désir gourmand de la vie.

— J’étais comme vous, j’attendais, et la nuit où vous vous êtes montrée à votre fenêtre, je vous ai reconnue aussi… Dites-moi ce que vous rêviez, contez-moi vos journées d’auparavant….

Mais, de nouveau, elle lui ferma la bouche.

— Non, parlons de vous, rien que de vous. Je voudrais que rien de vous ne me restât caché… Que je vous tienne, que je vous aime tout entier !

Et elle ne se lassait pas de l’entendre parler de lui, dans une joie extasiée à le connaître, adorante comme une sainte fille aux pieds de Jésus. Et ni l’un ni l’autre ne se fatiguaient de répéter les