Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/203

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Angélique, surprise de la voir ainsi, elle, pondérée, qui ne pleurait jamais, se récria.

— Quoi donc ? mère, vous vous faites du chagrin… C’est vrai, j’ai été vilaine, j’ai eu un secret pour vous. Mais si vous saviez combien il a pesé lourd en moi ! On ne parle pas d’abord, ensuite on n’ose plus… Il faut me pardonner.

Elle s’était assise près d’elle, et d’un bras caressant l’avait prise à la taille. Le vieux banc semblait s’enfoncer dans ce coin moussu de la cathédrale. Au-dessus de leurs têtes, les lilas faisaient une ombre ; et il y avait là cet églantier que la jeune fille cultivait, pour voir s’il ne porterait pas des roses ; mais, négligé depuis quelque temps, il végétait, il retournait à l’état sauvage.

— Mère, je vais tout vous dire, tenez ! à l’oreille.

À demi-voix, alors, elle lui conta leurs amours, dans un flot de paroles intarissables, revivant les moindres faits, s’animant à les revivre. Elle n’omettait rien, fouillait sa mémoire, ainsi que pour une confession. Et elle n’en était point gênée, le sang de la passion chauffait ses joues, une flamme d’orgueil allumait ses yeux, sans qu’elle haussât la voix, chuchotante et ardente.

Hubertine finit par l’interrompre, parlant elle aussi tout bas.

— Va, va, te voilà partie ! Tu as beau te corriger, c’est emporté à chaque fois, comme par un grand vent… Ah ! orgueilleuse, ah ! passionnée, tu es