Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/213

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Mais Hubertine, à son tour, s’inquiétait, parlait de prendre des distractions.

— Si tu veux, nous fermons les portes, nous faisons tous les trois un voyage à Paris.

— Ah ! par exemple ! Et les commandes, mère ?… Quand je vous dis que c’est ma santé, de travailler beaucoup !

Au fond, Angélique, simplement, attendait un miracle, quelque manifestation de l’invisible, qui la donnerait à Félicien. Outre qu’elle avait promis de ne rien tenter, à quoi bon agir, puisque l’au-delà, toujours, agissait pour elle ? Aussi, dans son inertie volontaire, tout en feignant l’indifférence, avait-elle continuellement l’oreille aux aguets, écoutant les voix, ce qui frissonnait à son entour, les petits bruits familiers de ce milieu où elle vivait et qui allait la secourir. Quelque chose devait se produire, forcément. Penchée sur son métier, la fenêtre ouverte, elle ne perdait pas un frémissement des arbres, pas un murmure de la Chevrotte. Les moindres soupirs de la cathédrale lui parvenaient, décuplés par l’attention : elle entendait jusqu’aux pantoufles du bedeau éteignant les cierges. De nouveau, à ses côtés, elle sentait le frôlement d’ailes mystérieuses, elle se savait assistée de l’inconnu ; et il lui arrivait de se tourner soudain, en croyant qu’une ombre lui avait balbutié à l’oreille un moyen de victoire. Mais les jours passaient, rien ne venait encore.