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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/215

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leur bonheur. Pourtant, sa surprise augmentait, mêlée à un commencement d’inquiétude.

Un soir enfin, le dîner fut triste chez les brodeurs, et comme Hubert sortait, sous le prétexte d’une course pressée, Hubertine demeura seule avec Angélique, dans la cuisine. Longuement, elle la regardait, les yeux mouillés, émue de son beau courage. Depuis quinze jours qu’elles ne disaient pas un mot des choses dont leurs cœurs débordaient, elle était touchée de cette force et de cette loyauté à tenir un serment. Une brusque tendresse lui fit ouvrir les deux bras, et la jeune fille se jeta sur sa poitrine, et toutes deux, muettes, s’étreignirent.

Puis, lorsque Hubertine put parler :

— Ah ! ma pauvre enfant, j’ai attendu d’être seule avec toi, il faut que tu saches… Tout est fini, bien fini.

Éperdue, Angélique s’était redressée, criant :

— Félicien est mort !

— Non, non.

— S’il ne vient pas, c’est qu’il est mort !

Et Hubertine dut expliquer que, le lendemain de la procession, elle l’avait vu, pour exiger également de lui le serment de ne plus reparaître, tant qu’il n’aurait pas l’autorisation de Monseigneur. C’était un congé définitif, car elle savait le mariage impossible. Elle l’avait bouleversé, en lui montrant sa mauvaise action, cette pauvre fille confiante, igno-