Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la paix morte de la cuisine, où le petit frémissement du coquemar venait de s’éteindre. Elle abaissa les paupières, elle regarda ses mains que la lumière de la lampe faisait de bel ivoire. Puis, tandis que son sourire d’invisible confiance lui remontait aux lèvres, elle dit simplement :

— Si Monseigneur refuse, c’est qu’il attend de me connaître.

Cette nuit-là, Angélique ne dormit guère. L’idée que sa vue déciderait l’évêque, la hantait. Et il n’y avait là aucune vanité personnelle de femme, elle sentait l’amour tout-puissant, elle aimait Félicien si fort que cela certainement se verrait, et que le père ne pourrait s’entêter à faire leur malheur. Vingt fois, dans son grand lit, elle se retourna, se répéta ces choses. Monseigneur passait devant ses yeux clos. Peut-être était-ce en lui et par lui que le miracle attendu allait se produire. La nuit chaude dormait au-dehors, elle prêtait l’oreille pour écouter les voix, pour tâcher de surprendre ce que lui conseillaient les arbres, la Chevrotte, la cathédrale, sa chambre elle-même, peuplée des ombres amies. Mais tout bourdonnait, il ne lui arrivait rien de précis. Une impatience lui venait des certitudes trop lentes. Et, en s’endormant, elle se surprit à dire :

— Demain, je parlerai à Monseigneur.

Quand elle se réveilla, sa démarche lui parut toute simple et nécessaire. C’était de la passion