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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/234

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du secours de l’invisible, n’agissant plus, laissant agir les forces mystérieuses, épandues à son entour. Elle recommença, chaque soir, sous la lampe, à relire son antique exemplaire de la Légende dorée ; et elle en sortait ravie, comme dans la naïveté de son enfance ; et elle ne mettait en doute aucun miracle, convaincue que la puissance de l’inconnu est sans bornes pour le triomphe des âmes pures.

Justement, le tapissier de la cathédrale était venu demander aux Hubert un panneau de très riche broderie, pour le siège épiscopal de Monseigneur. Ce panneau, large d’un mètre cinquante, haut de trois, devait s’encadrer dans la boiserie du fond, et représentait deux anges de grandeur naturelle, tenant une couronne, sous laquelle se trouvaient les armoiries des Hautecœur. Il nécessitait de la broderie en bas-relief, travail qui demande beaucoup d’art et une grande dépense de force physique. Les Hubert, d’abord, avaient refusé, de crainte de fatiguer Angélique, surtout de l’attrister, à broder ces armoiries, où, fil à fil, pendant des semaines, elle revivrait ses souvenirs. Mais elle s’était fâchée pour retenir la commande, elle se remettait chaque matin à la besogne, avec une énergie extraordinaire. Il semblait qu’elle était heureuse de se lasser, qu’elle avait le besoin de briser son corps, voulant être calme.

Et la vie continuait, dans l’antique atelier, toujours pareille et régulière, comme si les cœurs, un