grille du jardin de l’évêque. Mais, déjà aussi, l’angoisse revenait, un sourd malaise, le tourment du doute. Si elle cédait au mal, elle en aurait l’éternel remords. Des heures, des heures abominables se passaient ; au milieu de cette incertitude du parti à prendre, sous ce vent de tempête qui, sans cesse, la rejetait de la révolte de son amour à l’horreur de la faute. Et elle sortait affaiblie de chaque victoire sur son cœur.
Un soir, au moment de quitter la maison pour aller rejoindre Félicien, elle songea brusquement à son livret d’enfant assistée, dans la détresse où elle était de ne plus trouver la force de résister à sa passion. Elle le prit au fond du bahut, le feuilleta, se souffleta à chaque page de la bassesse de sa naissance, affamée d’un ardent besoin d’humilité. Père et mère inconnus, pas de nom, rien qu’une date et un numéro, l’abandon de la plante sauvage qui pousse au bord du chemin ! Et les souvenirs se levaient en foule, les prairies grasses de la Nièvre, les bêtes qu’elle y avait gardées, la route plate de Soulanges où elle marchait pieds nus, maman Nini qui la giflait, quand elle volait des pommes. Des pages surtout réveillaient sa mémoire, celles qui constataient, tous les trois mois, les visites du sous-inspecteur et du médecin, des signatures, accompagnées parfois d’observations et de renseignements : une maladie dont elle avait failli mourir, une réclamation de sa nourrice au sujet de sou-