Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/249

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Or, un matin qu’Hubert et Hubertine, forcés de sortir, l’avaient laissée seule, au travail, le brodeur, en rentrant le premier, la trouva sur le carreau, glissée de sa chaise, évanouie, abattue devant le métier. Elle succombait à la tâche, un des grands anges d’or restait inachevé. Bouleversé, Hubert la prit dans ses bras, s’efforça de la remettre debout. Mais elle retombait, elle ne s’éveillait pas de ce néant.

— Ma chérie, ma chérie… Réponds-moi, de grâce…

Enfin, elle ouvrit les yeux, elle le regarda avec désolation. Pourquoi la voulait-il vivante ? Elle était si heureuse, morte !

— Qu’as-tu, ma chérie ? Tu nous as donc trompés, tu l’aimes donc toujours ?

Elle ne répondait pas, elle le regardait de son air d’immense tristesse. Alors, d’une étreinte désespérée, il la souleva, il la monta dans sa chambre ; et, quand il l’eut posée sur le lit, si blanche, si faible, il pleura de la cruelle besogne qu’il avait faite sans le vouloir, en écartant d’elle celui qu’elle aimait.

— Je te l’aurais donné, moi ! Pourquoi ne m’as-tu rien dit ?

Mais elle ne parla pas, ses paupières se refermèrent, et elle parut se rendormir. Il était resté debout, les yeux sur son mince visage de lis, le cœur saignant de pitié. Puis, comme elle respirait