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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/252

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avait pris et emporté, qu’elle refusait de leur rendre.

— J’ai prié longtemps, répéta Hubertine, j’écoutais si rien ne tressaillait…

Anxieux, Hubert l’interrogeait du regard.

— Et rien, non ! rien n’est monté de la terre, rien n’a tressailli en moi. Ah ! c’est fini, il est trop tard, nous avons voulu notre malheur.

Alors, il trembla, il demanda :

— Tu m’accuses ?

— Oui, tu es le coupable, j’ai commis la faute aussi en te suivant… Nous avons désobéi, toute notre vie en a été gâtée.

— Et tu n’es pas heureuse ?

— Non, je ne suis pas heureuse… Une femme qui n’a point d’enfant n’est pas heureuse. Aimer n’est rien, il faut que l’amour soit béni.

Il était tombé sur une chaise, épuisé, les yeux gros de larmes. Jamais elle ne lui avait reproché ainsi la plaie vive de leur existence ; et elle, qui revenait si vite et le consolait, lorsqu’elle l’avait blessé d’une allusion involontaire, cette fois le regardait souffrir, toujours debout, sans un geste, sans un pas vers lui. Il pleura, il cria au milieu de ses pleurs :

— Ah ! la chère enfant, là-haut, c’est elle que tu condamnes… Tu ne veux pas qu’il l’épouse, comme je t’ai épousée, et qu’elle souffre ce que tu as souffert.