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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/256

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que ce fût le sang de ses veines qui achevait de couler, goutte à goutte.

Mais elle, qui, depuis deux heures, se retournait en vain dans ses draps brûlants, céda presque tout de suite au sommeil, dès qu’elle fut assise. Sa tête se renversa, soutenue par le dossier, s’inclina un peu sur l’épaule droite ; et, la soie étant demeurée entre ses mains immobiles, on aurait dit qu’elle travaillait encore. Très blanche, très calme, elle dormait sous la lampe, dans la chambre d’une paix et d’une blancheur de tombe. La lumière pâlissait le grand lit royal, drapé de sa perse rose déteinte. Seuls, le coffre, l’armoire, les sièges de vieux chêne tranchaient, tachaient les murs de deuil. Des minutes s’écoulèrent, elle dormait très calme et très blanche.

Enfin, il y eut un bruit. Et, sur le balcon, Félicien parut, tremblant, amaigri comme elle. Sa face était bouleversée, il s’élançait dans la chambre, lorsqu’il l’aperçut, affaissée ainsi au fond du fauteuil, pitoyable et si belle. Une douleur infinie lui serra le cœur, il s’agenouilla, s’abîma dans une contemplation navrée. Elle n’était donc plus, le mal l’avait donc détruite, qu’elle lui semblait ne plus peser, s’être allongée là, ainsi qu’une plume que le vent allait reprendre ? Dans son clair sommeil, sa souffrance se voyait, et sa résignation. Il ne la reconnaissait qu’à sa grâce de lis, l’élancement de son col délicat sur ses épaules tom-